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Le ruban blanc,
     (Das weisse Band),      2009, 
 
de : Michael  Haneke, 
 
  avec : Christian Friedel, Ulrich Tukur, Ursina Lardi, Michael Kranz, Rainer Bock, Fion Mutert,
 
Musique : --

   
   
Un petit village allemand au début du vingtième siècle. Divers événements, en apparence anodins (une chute de cheval du médecin (Rainer Bock), l'accident mortel d'une employée qui travaillait pour le Baron (Ulrich Tukur)...), surviennent et sèment un malaise certain parmi les paroissiens... 
 
   Que l'on apprécie ou pas les oeuvres de Michael Haneke, celles-ci ont au moins un mérite : ne laisser personne indifférent. Que ce soit "Funny games", "Caché", ou ce "Ruban blanc", Palme d'Or à Cannes (entre parenthèses, il serait intéressant de réaliser une étude sur les motivations des membres des différents jurys pour décerner le précieux trophée !), le réalisateur opte toujours pour la démesure. Agressivité provocatrice dans le cas du premier, désespérante langueur dans le cas présent. Il est en tout cas deux domaines, soulignés par la grande majorité des critiques, qui ne peuvent être contestés. D'une part la qualité esthétique de l'écrin dans lequel se déroule cette chronique, un somptueux noir et blanc qui installe d'emblée un fort contraste visuel entre blanc-pureté et noir-péché. D'autre part l'exceptionnelle qualité des acteurs, tant adultes qu'enfants, qui traduisent à merveille les fêlures ou ambiguïtés, aussi fines soient-elles, de leurs personnages. 
 
   Ceci étant constaté et apprécié, que retenir de cette mini fresque historico-socio-psychologique, à supposer, bien sûr, que l'on n'ait pas sommeillé trop longtemps durant la projection ! Probablement, d'abord, une ambition très intense. Trop, serait-on même tenté d'écrire, au vu du rapport disproportionné longueur-densité événementielle du film. Le propos originel est certes intéressant : gratter lentement le vernis impeccablement luisant dont se sont parés aussi bien les aristocrates que les ecclésiastiques ou les prolétaires, pour faire apparaître les frustrations, les haines, les hypocrisies, les violences physiques, mais surtout psychologiques, ainsi que les fanatismes qui commençaient à gangrener en profondeur la société. Cette mise à nu n'a d'ailleurs rien d'anachronique, hélas ! Malheureusement, le résultat est loin d'être à la hauteur des attentes. Outre une absence quasi totale de progression dramatique sur les 135 minutes du film, les quelques scènes mémorables, geysers brûlants de haine froide ou d'obscurantisme criminel (le Pasteur et son fils Martin, le médecin et sa maîtresse...), se voient tellement dilués dans un amoncellement de plans beaux mais vides, de séquences inertes et sans âme, que l'analyse et la dissection perdent toute force. C'est presque avec la colère de la frustration, que l'on a envie de s'écrier : "tout ça pour ça ! Pourquoi une telle lenteur pachydermique, au point que certains plans semblent tournés au ralenti ? Pourquoi ce refus manifeste de tout crescendo narratif, même infime, qui aurait permis au spectateur de ne pas décrocher à maintes reprises ? Pourquoi ce classicisme momifié dans la réalisation ? C'est finalement une engourdissante froideur générale qui se dégage de l'oeuvre. Si tel était le but espéré par le réalisateur, il a pleinement réussi... L'ennui serait-il devenu la marque de fabrique incontournable pour avoir une chance d'accéder à la Palme d'Or, puisqu'il paraît que "Oncle Boonmee" (que je n'ai pas vu), est, lui aussi, un redoutable pensum ? Il est pourtant tout à fait possible d'illustrer avec génie un thème crépusculaire, voire mortifère, sans pour autant offrir au spectateur une création plombée à ce degré. Rappelons-nous "Le Guépard" ou "Mort à Venise", entre autres... 
 
   Mais, n'est-ce pas, chacun ses choix... Ceux de Michael Haneke sont bien connus. L'un d'eux, en particulier, qu'il évoque dans la conférence de presse donnée à Cannes en 2009 : poser des questions, mais ne pas fournir de réponses à la fin du film. En l'occurrence, symptôme inquiétant, aucune frustration n'est ressentie devant cette fin ouverte.
   
Bernard Sellier