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Shock corridor,
     1963, 
 
de : Samuel  Fuller, 
 
  avec : James Best, Gene Evans, Constance Towers, Peter Breck, Hari Rhodes, Paul Dubov,
 
Musique : Paul Dunlap


   
Johnny Barrett (Peter Breck) est reporter au Daily Globe. Son rêve est d'obtenir le Prix Pulitzer. Pour cela, il travaille depuis un an, avec le soutien de son patron, 'Swanee' Swanson (Bill Zuckert) et du Docteur Fong (Philip Ahn), sur une idée folle : se faire interner afin de découvrir le meurtrier d'un employé de l'hôpital psychiatrique. Son amie Cathy (Constance Towers) tente en vain de l'en dissuader. Sous le couvert d'une soi-disant attirance incestueuse pour sa soeur, il réussit à pénétrer dans l'asile en tant que patient... 
 
   Dans la lignée des films noirs de l'époque, sur un sujet qui tient à la fois de "Vol au-dessus d'un nid de coucou" et de "L'invraisemblable Vérité", la narration entre en quelques secondes dans le vif du sujet. Les personnages, à peine présentés, sont immédiatement plongés dans le drame, et l'on devine sans peine que leur sortie, si elle s'opère, ne laissera personne intact. En revanche, après une ouverture où urgence et sécheresse sont reines, le réalisateur semble changer la donne. La scène du strip-tease chanté de Cathy (Constance Towers fait plus d'une fois penser, physiquement et expressivement, à Patricia Neal ("Le Rebelle")), s'étire étrangement, puis, lors de l'internement de Johnny, la cible criminelle esquissée à l'origine semble se perdre parfois dans des méandres inattendus. Le but du "jeu", qui paraissait simple et ascétique, paraît emprunter des chemins de traverse, davantage politiques ou sociologiques, que purement individualistes. La longue phase démentielle du jeune Stuart (James Best), qui se croit Général à l'époque de la guerre de Sécession, celle de Trent (Hari Rhodes), le Noir qui appelle à l'adhésion au KKK, symbolisent la mauvaise conscience des Américains qui, à l'époque, sortent à peine de la sombre période du Mac Carthysme. Puis, en une scène de quelques secondes avec Cathy, la narration retrouve immédiatement la dramaturgie originelle.  
 
   Déroutante, dotée d'une mise en scène aussi ascétique qu'incisive, originale (incursion de séquences oniriques en couleurs), tour à tour agressive ou faussement lymphatique, construite en montagnes russes, avec lentes phases ascendantes suivies de plongées vertigineuses dans l'abîme de l'aberration mentale, l'œuvre oscille en permanence sur le fil d'un rasoir mortifère, et laisse le spectateur en état de choc après un final aussi dépouillé que poignant.
   
Bernard Sellier