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True detective,
       Saison 1,      2014 
 
de : Nick  Pizzolatto..., 
 
avec : Matthew McConaughey, Woody Harrelson, Michelle Monaghan, Kevin Dunn, Michael Potts,
 
Musique : T. Bone Burnett


   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

   
2012. Deux détectives, Rust Cohle (Matthew Mc.Conaughey) et Marty Hart (Woody Harrelson), sont interrogés séparément par la police sur une affaire d'assassinat vieille de 17 ans. En 1995, ils avaient travaillé sur le meurtre étrange d'une jeune fille, Dora Lange... 
 
   Tout d'abord, évacuons le petit regret que suscite cette nouvelle série. Il concerne l'intrigue, manifestement proche de celle de "Seven", avec ses assassinats diaboliquement rituélisés. Mais, à l'évidence, ce n'est pas elle qui passionne le plus les créateurs, et le dénouement, aussi rapide que classique, nous le prouve amplement. Heureusement, ce manque programmé est largement, très largement, compensé par les innombrables qualités de cette création. 
 
   Dès les premières minutes de l'épisode d'ouverture, il est manifeste que scénariste et réalisateur vont réussir à créer une atmosphère envoûtante, poisseuse, macabre, délétère, grâce à une osmose magique entre le décor de la Louisiane, qui respire la décrépitude d'un monde mortifère, les plans larges, désertiques, nébuleux, et le rythme du récit, à la fois lent, suffocant, et profondément habité. Entièrement construit sur une succession de flash back en relation avec les interrogatoires situés dans le temps présent, le scénario porte cette juxtaposition, parfois bancale ou artificielle, à un degré de perfection rarement atteint. Il en est exactement de même pour l'antagonisme des deux personnalités principales. Ce système, amplement employé ("Les "Arme fatale", "Tango et Cash", "Starsky et Hutch", "Amicalement vôtre"...), voire surexploité, atteint ici une maturité et une intériorité proprement étonnantes. L'analyse psychologique et l'évolution des deux coéquipiers se révèle d'une finesse et d'une densité exceptionnelles, mais cette remarquable qualité de base est transcendée par les deux acteurs. Woody Harrelson, bien sûr, mais en premier lieu Matthew McConaughey, qui, en l'occurence, piétine tous les superlatifs que l'on est prêt à lui appliquer. Il faut dire qu'il a été davantage gâté que son collègue, grâce aux multiples facettes pathologiques, vacillantes, mais évolutives de son tempérament. Physiquement, l'antagonisme est déjà stupéfiant. Le style jeune homme taciturne, bien rasé, arrogant et négatif de la période 1990, a fait place à un look de vieux cow-boy déglingué, toujours aussi mal embouché, mais manifestement en quête d'un apaisement spirituel. Lorsqu'il apparaît au commencement, les rares sentences qu'il assène ne laissent aucun doute sur son état psychique : "Ma fille (décédée accidentellement) m'a délivré du péché d'être père", ou encore : "La meilleure chose que puisse faire notre espèce est de renier ce pour quoi nous sommes programmés, afin d'arrêter de nous reproduire, et marcher main dans la main vers l'extinction finale". Et lorsqu'il s'écrie : "Je sais qui je suis", nous avons l'exemple parfait de la personne qui, justement, ne sait pas qui elle est réellement, puisqu'elle s'identifie à ce que Eckhart Tolle appelle "corps de souffrance", c'est-à-dire tout le magma pathologico-mental que nous avons fabriqué depuis notre naissance, alors que le MOI véritable est unité, lumière et paix. Justement, celles-ci commencent à poindre dans la personnalité de Cohle, lorsqu'il évoque avec Marty sa période de coma. La performance de Matthew McConaughey, toute en nuances, en modération, en subtiles expressions, est, on ne le répètera jamais assez, constamment envoûtante. 
 
   Une réussite de première grandeur. À noter un article très approfondi sur Chronicart...
   
Bernard Sellier