Bug, film de William Friedkin, commentaire

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Bug,
      2006, 
 
de : William  Friedkin, 
 
  avec : Ashley Judd, Harry Connick Jr., Michael Shannon, Lynn Collins, Brian F. O'Byrne,
 
Musique : Brian Tyler


 
Depuis la mystérieuse disparition, neuf ans plus tôt, de son petit garçon Lloyd, Agnes White (Ashley Judd) vit seule dans une chambre de motel minable. Un jour, son amie R.C. (Lynn Collins) lui présente un jeune homme, Peter Evans (Michael Shannon). L'homme est un peu étrange, mais Agnes s'attache à lui, ce qui n'est guère du goût de son ex-mari, Jerry Goss (Harry Connick Jr.), récemment libéré de prison, qui effectue une réapparition violente peu appréciée par la jeune femme. Bientôt Peter commence à éprouver des démangeaisons provoquées, selon lui, par des insectes vivant dans son sang... 
 
 William Friedkin ne travaille pas dans la tiédeur. Que ce soit dans "L'Exorciste", "Traqué", "La Chasse", il tutoie les extrêmes avec délectation. Et ce n'est pas cette oeuvre-ci qui le démentira. A l'opposé de "Traqué", qui envoyait la psychologie au trente sixième dessous, "Bug" est construit intégralement sur l'évolution vers l'abîme de deux esprits que l'on aurait pu supposer, a priori, solides. Bien sûr, Agnes se shoote à la cocaïne pour oublier la disparition de son fils et les violences de son conjoint. Bien sûr Peter avoue d'emblée qu'il n'est pas passionné par les femmes. Mais ce type de dérives ou de situations ne sont pas franchement pathologiques. Pourtant, à partir de ces faits apparemment bénins, le réalisateur va plonger, avec une subtilité qu'on ne lui connaissait pas vraiment, dans les ramifications de plus en plus véreuses des cerveaux de ses deux personnages. Tout commence par une petite névrose, puis se poursuit par des troubles obsessionnels majeurs, pour se clore dans une paranoïa délirante et authentiquement terrifiante. S'il est sans conteste hautement efficace dans sa démonstration visuelle et auditive, le propos de William Friedkin semble en revanche plus limité dans son fondement. Peter évoque bien une expérimentation pseudo-scientifique, les tentatives d'implantation de la micro puce humaine, l'idée d'un complot mondial (voir le "Livre Jaune"...), mais le choix scénaristique de se focaliser uniquement sur la perturbation mentale de Peter sans faire intervenir une quelconque autorité militaire pourtant souvent évoquée, rabaisse le drame à un niveau purement individuel et, de ce fait, le limite. La situation était quasiment la même dans le film de Robert Enrico "Le Secret", même si la fin éclairait une parcelle du mystère. Quoi qu'il en soit, ce huis-clos torride est d'une efficacité absolue, en grande partie grâce à ses deux interprètes principaux qui paraissent littéralement habités par leurs hallucinations.
   
Bernard Sellier