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Duel au soleil,
      (Duel in the sun),     1946, 
 
de : King  Vidor, 
 
  avec : Jennifer Jones, Gregory Peck, Joseph Cotten, Lillian Gish, Lionel Barrymore, Walter Huston, Herbert Marshall,
 
Musique : Dimitri Tiomkin


   
Scott Chavez (Herbert Marshall) est condamné à la pendaison pour avoir assassiné sa femme, Indienne, qui multipliait les aventures extra-conjugales. Avant de mourir, il confie sa fille , Pearl (Jennifer Jones) à une ancienne amie, Laura Belle McCanles (Lillian Gish), installée dans un ranch texan avec son mari, Jackson, sénateur et infirme (Lionel Barrymore) et ses deux fils, Jesse (Joseph Cotten) et Lewt (Gregory Peck). Pearl est fort mal accueillie par le père, mais plaît immédiatement aux deux frères... 
 
    On connaît l'histoire de Jennifer Jones, remarquée par le producteur David O'Selznick, lancée par lui en tant qu'actrice, et finalement épousée en 1949. Il faut reconnaître que la jeune femme ne semblait pas manquer de personnalité. Dirigée par le grand King Vidor, auquel on doit, notamment, trois ans plus tard, une merveille "Le Rebelle" avec Gary Cooper et Patricia Neal, elle fait preuve d'une intensité rare dans un rôle souvent bien mal servi au cinéma : la femme dans le western. A vrai dire, si théoriquement western il y a, pour cause de lieu (le Texas et ses étendues sauvages), d'époque (la fin du dix-neuvième siècle) et de fond scénaristique (l'arrivée du chemin de fer et les bouleversements mal acceptés qu'il génère), l'œuvre se rattache bien davantage au drame psychologique, voire à la tragédie antique.  
 
    Dès le commencement, le ton est donné par la voix off : il s'agira d'une passion sauvage, de violence et de mort. Le tout enchâssé dans un écrin lyrique et enflammé. Pearl, métis à la fois ingénue et volcanique, devient le détonateur qui va provoquer l'explosion de la cellule familiale des McCanles, dont l'unité ne repose que sur les conventions mondaines et l'occultation des rancœurs souterraines. Le Sénateur est, a priori, un odieux personnage, raciste, méprisant, autoritaire, blessant. Son fils Lewt, dont il passe tous les caprices, recèle, lui aussi, un tempérament assez peu ragoûtant : égoïste, jouisseur, menteur. Gregory Peck, que l'on a souvent eu l'habitude de voir dans des rôles policés, pour ne pas dire guindés, (on le verra en personnalité quasi opposée, douze ans plus tard, dans "Les grands espaces"), est surprenant dans le bon sens du terme, et particulièrement convaincant ici. Pearl, elle-même, n'échappe pas à la noirceur générale, et son attitude, souvent dictée par les traumatismes vécus, n'attire pas franchement une sympathie immédiate. Mais, par le force des événements et des souffrances, la nature profonde, humaine et généreuse, finira par affleurer, chez elle comme chez ceux qu'elle aura côtoyés et révélés dans leur vérité intérieure, au prix du sacrifice et de la mort. 
 
   A partir d'un scénario minimaliste, King Vidor parvient à offrir une peinture de la passion dans ce qu'elle a de plus destructeur, de plus violent, alternant les phases de jalousies, de culpabilité, de dépendance, avec un vérisme et une intensité romantique, dramatique, inoubliable. Cette tragédie flamboyante (les tableaux de ciels possèdent d'ailleurs souvent un rougeoiement ocre incendiaire), qui n'évite pas toujours une grandiloquence datée (renforcée par un doublage d'époque un peu suranné), se clôt sur un final bouleversant, qui, à l'instar des grandes passions d'amour ("Docteur Jivago", "Le patient anglais", "Le Rebelle", "Prisonniers du passé"...) se grave de manière impérissable dans la mémoire du cinéphile.
   
Bernard Sellier