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Mensonges et trahisons,
  et plus si affinités,   2004, 
 
de : Laurent  Tirard, 
 
  avec : Edouard Baer, Clovis Cornillac, Marie-Josée Croze, Eric Berger, Alice Taglioni,
 
Musique : Philippe Rombi

  
   
Raphaël Jullian (Edouard Baer) vit depuis quelques mois avec Muriel (Marie-Josée Croze). Il exerce la profession de "nègre". Il écrit les biographies de vedettes qui sont incapables de le faire par elles-mêmes. Son éditeur (Jean-Christophe Bouvet) est ravi de ses compétences dans ce domaine. Il est chargé un jour de rencontrer Kevin (Clovis Cornillac), capitaine de l'équipe de France de football, afin de retracer sa vie et sa carrière. Mais le premier contact est plutôt rébarbatif et, comble de malaise, Kevin est en pleine lune de miel avec Claire (Alice Taglioni), dont Raphaël était naguère fort épris. Mais sa tentative de conquête avait lamentablement échoué... 
 
   Ce ne sont pas les comédies psychologiques françaises d'honnête qualité qui manquent. "Ah, si j'étais riche", "15 août", "Le coeur des hommes", "La confiance règne", sans vouloir même remonter jusqu'aux grands classiques, genre "Un éléphant, ça trompe énormément" ou "Nous irons tous au paradis"... Mais bien rares sont celles qui parviennent à transcender le triplé : bonne histoire, bons acteurs, bons mots, pour chahuter notre réceptivité endormie et, sinon casser, du moins agiter violemment le moule formaté d'où sortent la plupart des réalisations. Que l'on soit enthousiasmé ou irrité par le style, l'actrice et le fond du "Fabuleux destin d'Amélie Poulain", il est impossible de nier que Jean-Pierre Jeunet avait accouché d'une oeuvre profondément originale, qui, à l'instar d'un aliment non encore testé, faisant découvrir à nos papilles un goût nouveau, excitait puissamment nos rétines et neurones.  
 
   Sans accéder à ce niveau de vernis novateur, le film de Laurent Tirard est une sacrément bonne surprise. Vivant, rythmé, ludique, inventif, gorgé de sève dynamique et pittoresque, ne se prenant jamais au sérieux, il mélange avec une intelligence permanente et un naturel confondant, les situations, les époques, les tonalités, tout en ne donnant jamais l'impression de s'éparpiller dans l'inutile ou le remplissage factice. Le générique de début, original, à base de formes stylisées, de jeux d'ombres et de lumière, reflète avec exactitude la conception architecturale de ce qui va suivre : des personnages simples, mais croqués de façon légère et synthétique, des situations convenues, mais sublimées par des ruptures de ton opportunes, des basculements temporels sur un mot ou une idée (comment est apparu l'amour...), un jeu de marionnettes jubilatoire, savamment orchestré, où chacun trouve la place et l'accord justes. L'unité dans la diversité. Ou encore : comment explorer le banal, le quotidien, le superficiel, le médiocre, en l'habillant aux couleurs de la vie, du mouvement, de l'allégresse, de l'exultation. L'éclatement apparent du récit, les sauts incessants du coq à l'âne, contribuent au plaisir général sans jamais casser la progression, tant leur présence s'opère avec une spontanéité et un naturel évidents. Marie-Josée Croze, mutine, limpide et profondément attachante dans sa franchise explosive, est délicieuse. Edouard Baer, tour à tour absent, distancié, maladroit, est pleinement en situation. Quant à l'odieux Clovis Cornillac, il est divinement détestable.
   
Bernard Sellier