Dans un futur indéterminé, mais assez lointain, le monde terrestre est invivable et une dizaine de milliers de personnes vivent dans un silo souterrain. Personne ne sait quand, par qui et comment il a été construit. Des règles strictes, édictées dans le Pacte, maintiennent un ordre précaire. Allison (Rashida Jones), l'épouse du shérif en poste, Holston (David Oyelowo), apprend un jour qu'un informaticien a découvert une relique numérique. Allison parvient à l'ouvrir. Ils y découvrent qu'on leur ment, et que la terre n'est sans doute pas le désert toxique qu'on leur sert. Elle décide de quitter le silo, ce qui est autorisé, mais définitif. Par les baies vitrées, Holston et de nombreux spectateurs voient la jeune femme faire quelques pas à l'extérieur, puis s'effondrer...
De mémoire, je ne me souviens pas avoir visionné un début de série qui allie à ce degré l'originalité, le suspense, et une attractivité inégalable. Une véritable claque ! Ce qui frappe le spectateur d'emblée, et de façon prodigieuse, c'est ce décor délirant, titanesque, dans lequel vivent des emmurés vivants. Un silo gigantesque de presque cent cinquante étages, qui plonge au cœur de la terre par de larges escaliers hélicoïdaux, avec ses rues, ses échoppes, ses cantines, et ses mini appartements. Un truc de fou ! Le pitch originel rappelle celui de Under the dome, avec ces humains confinés dans un espace clos dont ils ne comprennent pas l'origine. En revanche, si la présentation des personnages se montrait passablement primaire et artificielle dans la série de Brian K. Vaughn, cet écueil est ici inexistant. Chaque protagoniste est inséré dans le récit avec un naturel confondant, et les évènements se succèdent avec autant de vraisemblance que d'émotion. La seconde référence qui vient à l'esprit est bien sûr Lost, avec cette incursion de l'informaticien dans un souterrain inconnu, qui paraît receler bien des secrets soigneusement tus par les autorités judiciaires et réglementaires, incarnées surtout par Bernard (Tim Robbins).
Ce drame est d'autant plus intense qu'il représente symboliquement ce qui nous est déjà arrivé lors des confinements Covid, observés sans broncher par des centaines de millions de personnes, malgré l'absurdité de certaines règles. Mais il préfigure surtout le contrôle total que certaines puissances supérieures voudraient appliquer à l'humanité dans les décennies qui viennent. L'humanité ne serait sans doute pas enfermée dans des silos, mais elle serait prisonnière de contraintes aussi limitantes, voire plus. Si un jour la monnaie numérique était imposée, ce qui ne fait hélas guère de doute, il deviendra enfantin à n'importe quelle autorité de couper les paiements de ceux qui auront fait un pas de travers.
Sur un plan plus élevé, il est tout à fait possible de voir dans cette fresque une analogie avec la notion de matrice, développée dans le film Matrix, ou même avec la conception du monde telle que la partagent la plupart des humains croyants. Il y a d'un côté les 'créateurs', que ce soit du silo ou de notre terre, et de l'autre les habitants, qui sont dans l'ignorance des causes de leur présence dans le silo ou sur cette planète, que ce soit à cause d'une 'matrice', créée par des puissances extraterrestres ou autres, ou à cause de notre impossibilité de percer les desseins d'un Créateur omnipotent.
Une série qui regorge de richesses à la fois symboliques et matérielles, peuplée de personnages habités par une énergie intérieure intense. Bien sûr, le dénouement laisse un goût amer d'inachevé. Il semble qu'une seconde saison soit en voie de création depuis juin 2023, ce qui s'imposait de façon évidente. Espérons qu'elle sera au niveau de cette première mouture, impressionnante à tous points de vue.