Spartacus, film de Stanley Kubrick, commentaire

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Spartacus,
       1960, 
 
de : Stanley  Kubrick, 
 
  avec :  Kirk Douglas, Laurence Olivier, Jean Simmons, Charles Laughton, Peter Ustinov, John Ireland, Nina Foch,
 
Musique : Alex North



   
Le premier siècle avant J.C. L'empire romain utilise des centaines de milliers d'esclaves dans ses différentes colonies. Lentulus Batiatus (Peter Ustinov), propriétaire à Capoue d'une école renommée de gladiateurs, est à la recherche de chair fraîche. Dans une mine, il découvre un ancier guerrier thrace, Spartacus (Kirk Douglas), réputé pour son esprit rebelle. Il le ramène à Capoue et le forme...

    L'une des sources d'étonnement, chez Kubrick, réside dans la variété de ses sources d'inspiration alors que sa filmographie est une des plus réduites qui soient pour un réalisateur de sa trempe : seulement une douzaine de films en un demi-siècle. Pourtant, malgré sa rareté sur les écrans, il a visité un nombre impressionnant de genres. La science-fiction («2001, odyssée de l'espace»), l'horreur («Shining»), le drame psychologique en costumes («Barry Lyndon»), la comédie délirante («Docteur Folamour»), le film de guerre («Full metal jacket»), et ici le peplum. 

    À l'image des films à grand spectacle de l'époque, l'oeuvre s'ouvre sur un interminable générique envahi par une musique tonitruante et agressive. Ensuite, le spectacle peut enfin commencer. «Ample, spectaculaire, humain», commente la revue «Les années laser» dans son numéro 277 d'octobre 2020, à l'occasion de la parution en UltraHDBlu-ray d'un scan 6K du film.

    «Ample», c'est indéniable. À une époque où le numérique n'existait pas pour multiplier à l'infini les figurants, il est certain que certaines scènes, par exemple les mouvements des légions romaines s'apprêtant à affronter les soldats de Spartacus, ne manquent pas de grandeur visuelle.

    «Humain», cela ne fait aucun doute non plus. Le réalisateur consacre une partie très importante de son oeuvre aux relations humaines. Que ce soit entre Spartacus et la touchante Varinia (Jean Simmons), ou encore dans les multiples tractations et manipulations que se livrent les politiciens de Rome. À ce titre, on ne peut que s'émerveiller des joutes verbales entre les deux extraordinaires personnalités que sont Batiatus (jouissif Peter Ustinov qui a obtenu l'Oscar du second rôle) et Gracchus (un Charles Laughton ambigu à souhait). On ne peut que regretter tout de même le statisme de certaines séquences (longs plans fixes lors des têtes à têtes), qui confèrent au film un aspect «daté».

    «Spectaculaire»... Sue ce point, l'adhésion au qualificatif est nettement plus tiède. Entre la révolte de Spartacus, la fuite des premiers esclaves, et l'affrontement qui voit l'anéantissement de la rébellion, nous n'avons quasiment aucune bataille susceptible de nous faire ressentir la puissance extraordinaire acquise par la troupe de ce guerrier autoproclamé. Il y a un déficit manifeste de ces épopées glorieuses qui bâtissent l'aura d'un personnage aussi mythique. 

    Alors, soixante ans après sa sortie, comment se présente ce film qui est la deuxième oeuvre majeure de Kubrick trois ans après «Les sentiers de la gloire» ? À l'évidence, il s'agit d'une fresque marquante, ne serait-ce que par l'incarnation virile et vaillante de Kirk Douglas. Il n'empêche que des créations telles «Ben-Hur», «Braveheart» ou encore «Gladiator», possèdent une puissance épique infiniment supérieure, tout en soulevant des houles de frissons que nous ne trouvons ici que très timidement. Il faut dire aussi que la musique, souvent une aide essentielle pour hisser certaines scènes vers des pics émotionnels bouleversants, fait ici grandement défaut. Elle se montre souvent agressive, envahissante et bien peu inspirante. Nous sommes à mille lieues de la partition envoûtante dont Hans Zimmer a paré le «Gladiator» de Ridley Scott.

    Il est également possible de se demander en quoi la «patte» de Kubrik est perceptible. Ce «Spartacus» aurait-il été vraiment plus prosaïque s'il avait été réalisé par William Wyler ? Il est permis d'en douter...
   
Bernard Sellier