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Fight club,
       1999, 
 
de : David  Fincher, 
 
  avec : Brad Pitt, Edward Norton, Helena Bonham Carter, Meat Loaf, Zach Grenier, George Maguire, Jared Leto,
 
Musique : Dust Brothers

 
   
Le "Narrateur" (Edward Norton) travaille comme expert pour une importante firme automobile. Si sa vie professionnelle semble normale, son existence en dehors des heures de boulot est passablement déroutante. Totalement insomniaque, il parcourt les cabinets médicaux afin de découvrir une thérapie. Il finit par la trouver de manière originale, en fréquentant assidûment les centres de partage dans lesquels se rassemblent les martyrisés de la vie : cancéreux, tuberculeux, anémiques, survivants de l'inceste... C'est dans l'un de ces groupes qu'il fait la connaissance de Marla Singer (Helena Bonham Carter), paumée et tout aussi étrangère à ces rencontres que lui. A la suite de l'explosion accidentelle de son appartement, le jeune homme se lie avec un étrange personnage rencontré au cours d'un voyage aérien, Tyler Durden (Brad Pitt)... 
 
   Deux ans après le déroutant "The Game", David Fincher dégoupille, sur un thème quasiment semblable : l'incursion de l'illusion dans la réalité, une bombe nettement plus volcanique, avec cette descente traumatisante dans le monde des perversions de l'esprit humain. Si l'aventure vécue par Nicholas Van Orton demeurait tout de même, malgré sa résonance tragique, un jeu, celui-ci n'apparaît que brièvement, en filigrane, dans le parcours chaotique du "narrateur". Sa rencontre avec Tyler débute sous le signe d'un affrontement ludique, d'une confrontation physique presque infantile. Mais, rapidement, l'amusement superficiel laisse la place à un renversement radical des valeurs admises par la société. Sous la poussée irrépressible de son "mentor", le jeune homme bien propre sur lui laisse émerger le révolté fulgurant qui, libéré des chaînes dont la société de consommation avait encerclé sa personnalité, se montre capable de détruire les idoles qu'il adorait la veille. Dire que le réalisateur fait briller de tous ses feux cette conflagration psycho-physique est un doux euphémisme. Il transcende littéralement son sujet, disséquant avec une maestria de chirurgien et un éclat d'orfèvre, cette désagrégation infernale.  
 
   Contrairement à "The Game" qui revendiquait clairement son appartenance au monde de l'illusion, ou même à "Seven", "Fight Club" ne se laisse pas apprivoiser sans ruer dans les brancards de la logique. Manipulation mentale, obsession libertaire, meurtre symbolique du père, pouvoir alchimique de la souffrance, domptage de la mort, auto-enchaînement, édification du fanatisme, toutes ces facettes de la manifestation vitale humaine s'entrechoquent avec fracas au rythme haletant d'un enfoncement torrentueux dans la shizophrénie. Déroutante, agressive, sanglante, riche, complexe, l'oeuvre nécessite au minimum une seconde vision, afin de démêler, une fois le dénouement assimilé, l'enchevêtrement de ses composantes. Le principal repère auquel on puisse se raccrocher réside dans le délabrement du décor physique dans lequel se sont installés Tyler et son émule, en parfaite harmonie avec la dégradation intérieure psychologique des protagonistes. Edward Norton, toujours aussi possédé par les personnages inquiétants qu'il habite, trouve ici un partenaire à sa démesure, grâce à l'implication tant corporelle que mentale d'un Brad Pitt méconnaissable.  
 
   Visité par un génie créatif échevelé, David Fincher explore à nouveau ici les thèmes récurrents chez lui de la quête d'identité (Qui est l'assassin dans "Seven" ou dans le tout récent "Zodiac" ? ), de la peur ("Panic Room", "Alien 3") et de la souffrance, mais le fait avec une intensité et un foisonnement inégalés. Quant à la dernière image, pour le moins tragiquement prémonitoire, elle laisse le spectateur médusé. Un chef d'oeuvre.
   
Bernard Sellier