La main sur le berceau, commentaire, film de C. Hanson

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La main sur le berceau,
     (The Hand that rocks the Cradle),     1992, 
 
de : Curtis  Hanson, 
 
  avec : Annabella Sciorra, Rebecca De Mornay, Julianne Moore, Matt McCoy, Ernie Hudson, John De Lancie,
 
Musique : Graeme Revell

  
   
Claire (Annabella Sciorra) et Michael Bartel (Matt McCoy) forment un couple heureux en compagnie de leur petite fille Emma (Madeline Zima). La jeune femme attend un second enfant et se rend auprès du docteur Victor Mott (John De Lancie) pour un examen prénatal. Mais tout ne se déroule pas pour le mieux et Claire, traumatisée, se plaint à son mari du comportement peu déontologique du praticien. Elle décide de déposer plainte. Plusieurs autres femmes font de même. Victor se suicide. Sa veuve (Rebecca De Mornay) apprend, atterrée, que tous les biens qui lui reviennent ont été placés en séquestre par l'état, dans l'éventualité de forts dommages et intérêts à verser aux plaignantes. Quelques mois ont passé. Claire accouche d'un petit Joey. Son mari lui propose d'engager une baby-sitter, ce qu'elle finit par accepter. Une charmante jeune femme se présente, Peyton Flanders. Il s'agit de Mrs. Mott, bien décidée à se venger... 
 
   Entre "Bad influence", (1990), déjà marqué par la noirceur interne d'une personnalité manipulatrice, et "La rivière sauvage", (1994), à la trame psychologique beaucoup plus simpliste, Curtis Hanson donne naissance ici à un petit joyau d'angoisse frissonnante. Il faut dire que loin des grosses bébêtes improbables du style "Godzilla" ou "Alien", la présence d'un nouveau-né, symbole de la pureté et de la fragilité absolues, en tant que cible potentielle d'un génie malfaisant, nous touche déjà au plus profond des tripes.  
 
   La mise en route est rapide, sans aucune fioriture. Le scénario ne s'attarde pas une seconde sur l'origine du drame, et le cas du médecin crapuleux est expédié en un tournemain. Lorsque la veuve entre au service de la famille, on subodore une succession de séquences primaires, montant crescendo jusqu'à l'horreur finale. Si, de fait, l'angoisse croît progressivement, elle est générée par des sources multiples, habilement articulées. Certes, Peyton a soif de vengeance. Mais son tempérament, composé de parcelles d'ombre et de lumière étroitement imbriquées, est suffisamment complexe et ambigu pour que la subtilité s'installe dans sa relation aux différents membres de la famille. Usant tour à tour de suggestions, d'insinuations, de menaces voilées, d'altruisme trompeur, de manipulations raffinées, pénétrée d'une hypocrisie permanente, d'un océan de haine aussi profond que son besoin insatisfait d'être aimée, elle prend la forme d'un ver qui ronge de l'intérieur le milieu qui l'a hébergée, tout en espérant y trouver sa place. Les yeux d'un bleu pâle plombés par un regard aussi froid que l'acier, affichant, à de rarissimes exceptions près, un calme plus inquiétant que la tempête qui l'agite parfois, Rebecca De Mornay se montre l'interprète idéale pour donner vie à cette femme-parasite qui tente désespérément de se créer un cocon familial. Face à elle, Annabella Sciorra, arborant un visage d'ange innocent, constitue un pendant judicieusement choisi. Au sein de ce film dans lequel les femmes (à l'image de "J.F. partagerait appartement"), qu'elles soient vénéneuses ou séraphiques, sont reines, l'homme possède une place restreinte. Michael manque quelque peu de présence, et s'efface presque devant Salomon (Ernie Hudson), sympathique Noir à l'esprit déficient.  
 
   Sous ses dehors de thriller simpliste, ce film parvient à mêler de façon convaincante, sobre, et dramatiquement efficace, deux trames habilement complémentaires : un suspense douloureux et un processus inéluctable de sabotage d'un couple exemplaire.
   
Bernard Sellier