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Né un 4 juillet,
    (Born on the fourth of July),     1989, 
 
de : Oliver  Stone, 
 
  avec : Tom Cruise, Willem Dafoe, Kyra Sedgwick, Josh Evans, Tom Berenger, Raymond J. Barry, Tom Sizemore, William Baldwin, Caroline Kava,
 
Musique : John Williams

  
   
Né le 4 juillet 1946, Ron Kovic (Bryan Larkin) mène une vie sans histoire dans la petite ville de Massapequa, entre ses parents, ses frères et ses soeurs. Agé de vingt et un ans (Tom Cruise), il décide de s'engager dans la guerre du Vietnam. Grièvement blessé, après un séjour cauchemardesque dans un hôpital du Bronx, il rentre dans sa ville natale, paralysé des deux jambes. Fêté comme un héros, il participe à la fête du 4 juillet et retrouve son amie d'enfance, Donna (Kyra Sedgwick). Celle-ci est antimilitariste et participe activement aux manifestations pour la paix... 
 
   À travers "Rambo" (le premier, bien sûr !), "L'Echelle de Jacob", "Entre ciel et terre", ou encore le sublime "Voyage au bout de l'enfer", l'Amérique n'en finit pas de tenter d'exorciser ce monstre ravageur qu'a été la guerre du Vietnam. Oliver Stone apporte avec ce film une des pierres les plus poignantes à cette prise de conscience de la folie guerrière universelle, qui continue encore et toujours à envahir une certaine frange de la jeunesse, quels que soient les pays concernés. Traversée de violences guerrières (les séquences du Vietnam, filmées dans des tons à dominante orange, semblent appartenir à un monde extra-terrestre, quasi martien), verbales, d'instants de paix , de romantisme, d'images d'archives, cette fresque couvre une vingtaine d'années au cours desquelles l'histoire d'un pays se mêle intimement avec le drame d'un individu, le véritable Ron Kovic, qui a participé à l'écriture de l'oeuvre.  
 
   Élevé par un père effacé et une mère pudibonde, confite en bondieuseries, emmurée dans ses convictions primaires sur le bien et le mal, Ron est porté tout naturellement, aidé par l'inconscience de sa jeunesse, vers le patriotisme élémentaire qui veut que l'on aille foutre une râclée à ces Orientaux sous-développés. Une première fracture se fait dans son esprit, lorsque le soldat Wilson (Michael Compotaro) est tué accidentellement par lui. Pourtant, malgré ce drame, malgré son invalidité permanente, le retour au pays est encore placé sous le signe de la gloriole, de l'honneur et d'une gloire mythique. Mais, rongé par la culpabilité et le désespoir, Ron ne pourra empêcher longtemps l'explosion libératrice de se manifester. Après une phase dépressive qui le voit s'enfoncer dans les bordels minables d'Agua Dulce, au Mexique, où plusieurs de ses compatriotes, en particulier Charlie (Willem Dafoe), mutilés comme lui, se sont expatriés, c'est le retour au pays, mais dans une personnalité transfigurée, où l'initiation douloureuse a balayé les boniments fallacieux et les envolées bellicistes. Dès lors, il dépensera autant d'énergie dans l'opposition à cette guerre folle qu'il en avait mis, vingt ans plus tôt, à s'engager dans le corps prestigieux des Marines. 
 
   Tom Cruise, devenu de plus en plus méconnaissable à mesure que la narration avance, est prodigieux et s'implique avec une énergie colossale, dans ce rôle qui, a priori, ne semblait pas particulièrement en adéquation avec sa nature fragile. Il faudra attendre le récent "Le dernier Samouraï", pour le retrouver habité par une semblable puissance dynamique. Si l'on excepte le film de Michael Cimino, rarement le drame de l'après-guerre et de l'anéantissement tant physique que psychologique des rescapés de guerre aura été traduit de manière aussi véridique, déchirante, qu'ici. Et, même si cela peut paraître secondaire, il est important de souligner l'importance de la superbe musique de John Williams, dont la beauté mélancolique s'accorde particulièrement bien à ce récit désespéré et cependant ouvert sur la vie.  
   
Bernard Sellier