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Le poids de l'eau,
     (The weight of water),      2000, 
 
de : Kathryn  Bigelow, 
 
  avec : Sean Penn, Catherine McCormack, Richard Donat, Josh Lucas, Sarah Polley, Elizabeth Hurley, Katrin Cartlidge, Adam Curry,  
 
Musique : David Hirschfelder

   
   
L'île de Smuttynose dans l'archipel de Shoals. En 1873, deux jeunes émigrées norvégiennes, Karen Christenson (Katrin Cartlidge) et sa belle-soeur, Anethe (Vinessa Shaw), sont assassinées sauvagement une nuit. Maren Hontvedt (Sarah Polley), soeur de Karen, échappe de peu au massacre. Au cours du procès qui suit, elle désigne l'assassin : Louis Wagner (Ciaran Hinds), un Allemand malade, qui avait été accueilli quelque temps plus tôt par son époux, John (Ulrich Thomsen). Louis, reconnu coupable, est pendu. Un siècle plus tard, Jean Janes (Catherine McCormack), se rend en bateau sur l'île, afin d'enquêter sur ce qui lui semble une erreur judiciaire. Elle est accompagnée de son mari, Thomas (Sean Penn), du frère de celui-ci, Rich (Josh Lucas)... 
 
   Kathryn Bigelow sait créer des atmosphères tendues et des ambiances mémorables. "Strange days", "Point Break" et "K 19" sont là pour en témoigner. Il était donc légitime d'attendre de cette conjonction de deux drames intimistes une intensité poignante. A vrai dire, nous restons passablement sur notre faim. D'une part, les deux trames se révèlent d'inégale intensité. L'histoire de Maren, pauvre fille plongée dans le mariage avec un homme qu'elle n'aime pas et perdue dans une terre désolée, ne manque ni de sincérité, ni de violence étouffée. En parallèle, la relation nébuleuse, difficile de Jean et de son époux Thomas, poète, lauréat du Prix Pulitzer, rongé par une culpabilité ancienne, apparaît trop abstraite pour toucher profondément. Mais, surtout, cette croisée des destins que la mise en scène veut à toute force imbriquer, faisant de plus en plus coïncider des séquences passées et actuelles, qui n'ont en fait pas de relation avérée, respire l'artifice. Cette construction, dont l'intérêt théorique est indéniable, amène à constater, dans la pratique, que l'envergure du résultat est inférieur à la somme de celles qui se dégagent de chaque composante. Sean Penn, particulièrement sobre, forme avec la merveilleuse Catherine McCormack ("La Courtisane"), un couple crédible mais trop évanescent. Les relations opaques qu'ils établissent, durant la traversée, avec Rich et son amie du moment, Adaline (Elizabeth Hurley), n'apportent pas vraiment d'enrichissement dramatique à l'histoire. Quant aux analogies que Jean croit voir naître entre sa propre existence et celle de Maren, eles génèrent un mystère appétissant mais, lui aussi, fuyant. Sarah Polley est particulièrement juste dans son incarnation de Maren. 
 
   L'ensemble laisse une impression plus que mitigée. D'une part, quelques moments denses, dans lesquels les silences, les non-dits, les regards perdus dans le vague, traduisent avec force le désespoir intérieur des protagonistes, écrasés par les dogmes et les interdits. D'autre part une construction alambiquée dont on perçoit difficilement la raison d'être et qui, du coup, disperse l'émotion. En conservant de bout en bout sa ligne directrice, Taylor Hackford avait réussi, dans "Dolores Claiborne", à obtenir l'effet contraire, à savoir une virulence de plus en plus brûlante au fur et à mesure que le passé s'incrustait dans le présent. Quatre étoiles pour le casting superbe, même si Sean Penn est sous-employé...
   
Bernard Sellier