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A history of violence,
      2005, 
 
de : David  Cronenberg, 
 
  avec : Viggo Mortensen, William Hurt, Maria Bello, Ed Harris, Peter MacNeill, Aidan Devine, Ashton Holmes, Sumela Kay,
 
Musique : Howard Shore

  
   
Tom Stall (Viggo Mortensen) mène une vie des plus tranquilles dans une petite ville américaine. Il travaille dans un restaurant. Sa femme Edie (Maria Bello) est toujours amoureuse de lui après une quinzaine d'années de mariage. Quant à ses deux enfants, Jack (Ashton Holmes) et Sarah (Heidi Hayes), ils grandissent sans problèmes majeurs. Tout bascule lorsqu'un soir, deux individus pénètrent dans le bar. Ils sont sur le point de tuer la serveuse, Charlotte (Deborah Drakeford), lorsque Tom intervient. Il liquide instantanément les truands. Il devient immédiatement un héros dans la ville. On parle de lui à la télévision. Quelques jours plus tard, un inquiétant personnage, venu de Philadelphie, Carl Fogarty (Ed Harris), prend contact avec Tom. Il semble le connaître intimement, mais sous le nom de Joey Cusack. Et, de toute évidence, il ne lui veut pas que du bien... 
 
   Du fantastique dramatique ("The dead zone"), simple mais passionnant, jusqu'au torturé psychanalytique ("Spider"), en passant par le délirant physico-psychologique ("La Mouche"), l'ambiguïté gémellaire ("Faux-semblants"), ou, parfois, le sépulcral mortifère ("Crash"), David Cronenberg a consacré l'immense majorité de ses oeuvres à désortiquer les identités humaines profondément perturbées, privilégiant, de manière constante, les plus sombres. Aussi, ce n'est pas sans une certaine surprise que l'on découvre son dernier film. On y retrouve, certes, une composante ténébreuse de l'homme : la violence larvée, souterraine, éternellement en quête de l'instant où elle pourra de nouveau jaillir, et dont l'enfouissement, aussi durable et profond soit-il, ne bride jamais totalement l'éruption. Pourtant, cette histoire, étonnamment lisible, classique dans sa forme, que l'on pourrait croire issue d'un habile fabriquant de thriller, tranche nettement avec les créations récentes du réalisateur. Le sujet en lui-même : l'être rattrapé par son passé, qu'il croyait définitivement oublié sous la chape d'une normalité péniblement fabriquée, n'est pas novateur. Il a été illustré à maintes reprises, parfois enjolivé ou dramatisé grâce à l'introduction d'amnésies spontanées ou provoquées ("Troubles", de Wolfgang Petersen, en est un bon exemple), souvent en amplifiant l'aspect spectaculaire ("Au revoir, à jamais" de Renny Harlin).  
 
   David Cronenberg ne sombre pas dans le piège du superficiel ou du facile. Sobriété, sécheresse sont à l'ordre du jour. L'analyse évolutive du tissu relationnel entre Tom et les membres de sa famille est heureusement prépondérante. Les accès de violence, pour efficaces et volcaniques qu'ils soient, ne phagocytent l'attention du spectateur que pendant de courtes périodes incontournables, et l'humain, qu'il soit d'ombre ou de lumière, reprend sa place dès que la mort a capté sa proie. Malgré l'intérêt que l'on prend à suivre cette tragédie intime, il est difficile de ne pas se sentir un peu frustré. Comme si la fréquentation de certaines oeuvres du réalisateur, même médiocrement appréciées ("Crash" !), nous avait accoutumés à des descentes dans l'inconscient plus labyrinthiques, à des plongées dans le pathologique plus opaques. Dans le cas présent, la trame donne l'impression d'être placée directement sous un scyalitique, de livrer sans ombres ni mystères, son canevas linéaire. Bizarre, bizarre, comme dirait le grand Louis... Quoi qu'il en soit, Viggo Mortensen, très éloigné de son état chevaleresque dans "Le Retour du Roi", offre une composition subtile et tout à fait fascinante de ce personnage ambigu.
   
Bernard Sellier