Les Disparues, film de Ron Howard, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Les disparues,
      (The missing),     2003 
 
de : Ron  Howard, 
 
  avec : Tommy Lee Jones, Cate Blanchett, Evan Rachel Wood, Aaron Eckhart, Val Kilmer, Jenna Boyd,
 
Musique : James Horner

  
 
1885 dans le Nouveau Mexique. Maggie Gilkeson (Cate Blanchett) élève seule ses deux filles, Lilly (Evan Rachel Wood) et la petite Dot (Jenna Boyd). Un jour, un étrange personnage arrive, mi blanc, mi indien : Samuel Jones "Chaa-duu-ba-its-iidan" (Tommy Lee Jones). Il se voit fort mal accueilli par la jeune femme, et pour cause : il s'agit de son père, qui, jadis, l'a abandonnée avec sa mère, pour vivre dans la tribu des Chiricahuas. Il repart donc le lendemain. Mais, quelques heures plus tard, Lilly est enlevée par des inconnus que l'on suppose être des Indiens échappés d'une réserve. Maggie se rend compte que l'armée est totalement inefficace. Elle se résout à demander l'aide de Samuel, emprisonné dans le village voisin pour ivresse... 
 
 Ron Howard ("Backdraft", "Apollo 13", "Willow", "Un homme d'exception"...), fait ici une première incursion dans un genre bien démodé, malgré les récents "Open Range" ou "Tombstone". Une histoire simple, contée avec une sage lenteur maîtrisée qui s'adapte parfaitement au ton mi-réaliste, mi-occulte choisi par le réalisateur. Dépouillement des paysages, parfois quasiment lunaires, des tempéraments, des motivations... Si le principe de l'ascétisme narratif n'est pas condamnable en soi, loin de là !, reconnaissons que, dans le cas présent, il est bien difficile, sur la durée, de sentir une profonde implication avec ces personnages qui, hormis Maggie et, dans une moindre mesure, la petite Dot, se voient réduits à l'état de squelettes psychologiques robotisés. On ne sait pratiquement rien de ce Jones, sans remords, sans désirs, qui a choisi la voie indienne sans se soucier de sa famille pour une raison énigmatique. Quant au "Brujo", adepte de la magie noire, il est, lui aussi, réduit à une trogne patibulaire, dont les intentions semblent relever du mercantilisme pur. Au fur et à mesure qu'avance la narration, les aspects ésotérico-mystérieux, symboliques ou chamaniques, qui s'annonçaient susceptibles de prendre l'ascendant sur l'aventure primaire, retombent comme un soufflé et disparaissent pour laisser le champ libre à une poursuite enchâssée dans une atmosphère, certes originale, mais aux péripéties convenues. Jones, qui donnait l'illusion d'un tempérament surnaturel à facettes multiples, se réduit finalement à un individu sans grande épaisseur et c'est le personnage de Maggie, avec une Cate Blanchett toujours merveilleuse de concentration et de monolithisme intégriste, qui apporte à cette oeuvre quelques rayons d'élévation. 
 
 Ron Howard a judicieusement (?) refusé tout pathos, toute grandiloquence, a su ne jamais tomber dans le délire visuel psychédélique et hermétique dont Jan Kounen nous a gratifiés dans "Blueberry", mais, revers de la médaille, cette ascèse ne permet pas au film de développer des qualités de magnétisme ou d'envoûtement qui auraient légitimement pu saisir le spectateur. Et la vision de l'ensemble, malgré un traitement personnel et parfois pittoresque, laisse un goût de frustration assez intense. Détail anecdotique : le doublage de Tommy Lee Jones, qui est celui auquel nous sommes habitués, et dont la qualité est excellente, ne me semble pas ici en adéquation, sur le plan du timbre, avec le personnage incarné.
   
Bernard Sellier