La chute du faucon noir, film de Ridley Scott, commentaire

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La chute du faucon noir,
    (Black hawk down),      2001, 
 
de : Ridley  Scott, 
 
  avec : Josh Hartnett, Eric Bana, Tom Sizemore, Ewan Mc Gregor, Sam Shepard,
 
Musique : Hans Zimmer


 
Octobre 1993, Mogadiscio en Somalie. Les forces américaines organisent un raid destiné à capturer un chef de guerre. L'opération qui devait être aussi rapide qu'efficace, tourne au pur désastre après que l'un des hélicoptères de combat ait été abattu.  
 
 Que de métamorphoses, en quelques décennies, dans le film de guerre ! Jusqu'aux années 60, 70, les combats faisaient leur entrée dans notre salon de façon soft. Les morts s'écroulaient proprement, de manière presque abstraite. Puis, tout ce visuel clean s'est peu à peu fêlé. "Croix de fer", "Voyage au bout de l'enfer" et bien d'autres ont ouvert la porte au réalisme cruel. Aujourd'hui, "Il faut sauver le soldat Ryan" ou "Stalingrad" nous immergent au milieu du sifflement des balles, des corps déchiquetés, de l'horreur (im)pure.  
 
 Ridley Scott est sans doute l'un des réalisateurs qui a abordé, souvent avec une indéniable réussite, le plus grand nombre de genres. Avant "Gladiator" qui rajeunissait la forme oubliée du péplum, il avait visité le conte fantastique ("Legend"), le road movie ("Thelma et Louise"), l'horreur ("Hannibal", "Alien"), l'anticipation ("Blade runner"), le policier ("Black rain"), l'épopée ("1492, Christophe Colomb"). Impressionnant pour une filmographie somme toute restreinte ! Aujourd'hui c'est le film de guerre qu'il fait exploser devant nous.  
 
 Les premières minutes possèdent quelquefois un impact profond sur le spectateur. Comment ne pas être marqué de façon indélébile par le début de "Le dernier des Mohicans" et cette musique sourde qui gronde et s'enfle graduellement pour exploser dans la sublime mélodie de Randy Edelman, ou celui de "Pulsions" avec l'adéquation quasi hypnotique du thème de Pino Donaggio et du corps d'Angie Dickinson. Bien sûr, une ouverture inspirée n'est pas le gage d'une oeuvre réussie. Ici, les quelques premières images, grisâtres, soutenues par un thème désolé, sont un portail vers la possibilité d'une grande réussite. 
 
 À la fin de ces deux heures de cauchemar, les commentaires manquent devant ce carnage délirant, ce gigantesque cache-cache mortel avec les tireurs qui surgissent de nulle part, cette course éperdue devant la mort qui jaillit en un éclair, cette énergie instinctive qui soutient les corps dans leur fuite au milieu des ruines fumantes, dans leur quête éperdue de l'abri improbable. Les visages sont souvent méconnaissables, les repères sont souvent perdus, on ne sait plus qui est où, et c'est toute la réussite du film qui nous assène la folie de cette mission devenue un impressionnant et mortel foutoir.  
 
  Comment l'Eglise du Moyen-Age a-t-elle pu avoir l'idée aberrante d'inventer un prétendu "enfer" lorsque l'on assiste à la sauvagerie qui accompagne l'humanité depuis ses premiers balbutiements. Comment pourrait-on croire une seconde qu'il existe dans l'au-delà un lieu infernal pire que celui qui sévit aux quatre coins de cette terre ? Comment ne pas croire que les seuls êtres heureux sont ceux qui ont la chance de laisser leurs corps dans ce monde pour gagner enfin une paix qui devrait être perpétuellement en nous et autour de nous ?  
 
  On ressort de cette vision apocalyptique horrifié, écoeuré, épuisé, ne gardant peut-être, pour nous sauver du désespoir, que l'une des images finales : celle où l'on voit les blindés regagnant la base ralentir pour laisser passer un vieillard portant un enfant mort dans ses bras.
   
Bernard Sellier